Entrevue: L’accès au marché du travail belge sous la loupe

Forte de son expertise, Isabelle De Gols clarifie pour vous cette matière complexe, chapeautée par l’Europe, et avec des spécificités régionales, très présente dans l’actualité avec le Brexit et le permis unique.

 

 

Isabelle De Gols, vous publiez dans la collection Etudes pratiques de droit social un ouvrage sur
« L’accès au marché du travail belge » Votre parcours vous mettait en bonne position pour traiter de ce sujet !

Isabelle De Gols : En effet, durant mes études de droit à la VUB et l’ULB, je me suis orientée vers le droit des étrangers en lien avec le travail. J’ai commencé ma carrière comme juriste au Conseil du Contentieux des Étrangers et j’ai ensuite rejoint l’équipe juridique de l’Office des étrangers. Ces dernières années j’ai notamment participé à la transposition de directives européennes en matière de migration économique et j’ai travaillé sur le Brexit.

 

La mobilité économique, le recours à des travailleurs ressortissants d’un autre pays, membre ou non de l’Union européenne, permet de satisfaire à des besoins de main d’œuvre auquel ne peut pourvoir le marché national du travail.

 

La réglementation en matière d’occupation des travailleurs étrangers est particulièrement complexe. Elle est soumise à l’influence de règles émanant de l’Union européenne et en même temps, la sixième réforme de l’Etat a transféré une partie des compétences nationales aux Régions. C’est compliqué de s’y retrouver ?

Isabelle De Gols: 

C’est en effet compliqué.

L’intervention européenne est très large et a comme objectif une approche plus commune pour faciliter l’accès au marché du travail européen aux travailleurs de pays tiers dont l’Union a besoin et l’adaptation à une réalité où les employeurs et travailleurs aspirent à des systèmes plus flexibles. Elle ne se limite pas non plus aux directives réglant l’accès des ressortissants de pays tiers au marché du travail des Etats membres. La libre circulation des travailleurs et la libre prestation de services, par le biais du détachement, est à l’origine d’un afflux considérable de travailleurs étrangers, nécessaires à la satisfaction des besoins économiques de notre pays et à combler les carences de notre marché du travail.

La répartition de compétences mise en place par la sixième réforme de l’Etat prend une approche inverse partant de l’idée que chaque région en Belgique doit avoir une approche spécifique adaptée au marché du travail de la région concernée.  Cela a rendu plus complexe les rapports entre les règles fédérales et règles régionales et exige une bonne coopération entre chaque entité. A l’heure actuelle les différences (juridiques) entre les régions ne sont pas encore non plus telles, que l’on en comprend toujours bien la nécessité. Cela pourra changer dans les années qui suivent, maintenant que chaque région se familiarise avec sa nouvelle autonomie et prend en main ses compétences, mais on peut se poser des questions sur la nécessité de quatre systèmes bien différents pour un petit pays comme la Belgique et se demander si cela facilite vraiment l’accès au marché du travail aux étrangers dont on a quand même besoin.

 

L’actualité en cette matière, c’est la récente introduction du permis unique… Qu’est-ce que ce permis unique change réellement au paysage ? Est-ce une évolution, une révolution ?

Isabelle De Gols: En introduisant le permis unique, la Commission européenne avait comme objectif de faciliter les démarches administratives pour les étrangers venant de pays tiers en introduisant un seul permis, un seul document,  qui couvre  le séjour et le travail. La directive ne prévoit pas les conditions d’octroi et les compétences de chaque Etat membre dans cette matière, elle prévoit simplement une procédure. Pour cette raison, je dirai plutôt une évolution, ou pour être plus simple, une simplification administrative. Une évolution toujours en cours d’ailleurs, car la Commission prévoit de retravailler cette directive.

En Belgique il s’agit plutôt d’un compromis, quelque part à mi-chemin entre l’évolution poursuivie par l’Europe et l’évolution du système fédéral belge. Quand tout se passe bien, la procédure est plus simple. Une demande, un permis. Cela se complique quand est prise une décision négative. A ce moment on est confronté avec la réalité, c’est-à-dire qu’il s’agit en Belgique d’un permis délivré sur base de deux décisions bien distinctes prises par deux entités tout à fait autonomes et pour lesquelles le recours est organisé selon deux procédures différentes auprès de juridictions différentes.

 

Ce sont des matières où il y a particulièrement beaucoup de fraude, de non-respect des règles, non ? Qu’est-ce qui est mis en œuvre pour lutter contre cela ?

Isabelle De Gols: Ce n’est pas la carence de règles, ni même de sanctions qui fait défaut, mais ces règles ou ces sanctions restent lettre morte sans contrôle.

Le recours à une main-d’œuvre étrangère est indispensable à la satisfaction de nos besoins. Encore faut-il que ce recours se fasse dans le respect des droits fondamentaux des travailleurs que nous accueillons et que la concurrence loyale entre entreprises soit garantie.

Pour lutter contre des abus, tant en matière d’occupation de main d’œuvre étrangère illégale qu’en matière de respect des conditions de travail en cas de détachement, des contrôles sont organisés de manière ciblées par les différents services d’inspection depuis des années.

Ces contrôles sont au cœur des plans d’action successifs du SIRS (Service d’Information et de Recherche sociale) qui coordonnée les activités des différents services d’inspection du travail.

 

Quels avantages offre votre ouvrage pour les praticiens de cette matière ?

Isabelle De Gols: L’ouvrage traite à la fois du séjour des travailleurs et de leur accès au marché du travail des différentes régions. Il ne se limite pas au recours direct à une main d’œuvre étrangère, mais s’étend aussi au détachement de travailleurs ressortissants ou non de l’union européenne ou de l’Espace économique européen.

Il couvre donc toutes les possibilités qu’ont les entreprises de recourir à une main d’œuvre qui n’est pas disponible dans notre pays.

À propos de l’auteure

 

 

Après des études de droit à la VUB, Isabelle De Gols a perfectionné ses connaissances en droit international et européen à l’institut d’études européennes de l’ULB. 

Intéressée par le droit des étrangers, elle a d’abord travaillé comme juriste au Conseil du Contentieux des étrangers. 

Actuellement, elle participe comme juriste au sein de l’Office des Etrangers à l’élaboration des textes relatif à la mobilité économique et à la transposition de directives européennes en cette matière. 

Elle a déjà publié plusieurs articles en cette matière, notamment dans le cadre d’une question qui a fait et qui fera encore l’actualité : le Brexit.

Découvrez l'ouvrage L'accès au marché du travail belge

 

 

Le livre couvre l’ensemble des aspects de la mobilité économique. Il traite non seulement des conditions et des procédures de séjour et d’accès au marché du travail, mais il examine également les différentes formes de recours à des travailleurs étrangers par leur engagement direct par un employeur belge ou par le recours au détachement. Il s’attarde enfin aussi aux conditions de travail auxquelles seront soumis les ressortissants étrangers qui viennent travailler en Belgique.

 

 

 

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